Résumé
Cette première conférence-midi de la saison 2017-2018 a été l’occasion de s’interroger sur la place qu’occupe la culture québécoise sur la scène internationale. Axée principalement sur les modes d’expressions visuels (mode, design, arts visuels), la table ronde a permis dans un premier temps d’entendre les présentations de trois femmes dont la carrière a été marquée par ces questionnements. D’abord, Cynthia Cooper du musée McCord a témoigné de l’importance historique qu’a eu l’Expo 67 pour les créateurs de mode. En effet, cet événement a été l’occasion pour certains designers québécois de créer des uniformes pour les hôtesses de l’événement qui ont été vus par les visiteurs du monde entier. Au même moment, une tournée européenne a aussi été organisée pour faire la promotion de la mode québécoise. Or, si l’Expo 67 a pu contribuer à développer l’identité de la mode d’ici, ce moment historique n’a pas occasionné de changements durables dans l’industrie de la mode québécoise. Par la suite, la commissaire et critique d’art contemporain Chantal Pontbriand a exposé sa vision d’un art contemporain basé sur un certain nombre de principes, dont l’hybridité, l’amitié et l’hospitalité. Pour elle, l’art n’a pas besoin de porter une « étiquette Québec ». Il s’agit au contraire de s’attaquer à la question des frontières et de promouvoir l’accueil d’artistes innovateurs au Québec pour favoriser la réciprocité. Enfin, Stéphanie Jecrois de la ville de Montréal a expliqué ce que peut représenter pour les créateurs québécois une désignation comme celle de « ville UNESCO de design » que Montréal a obtenue en 2006. D’emblée, elle maintient qu’il ne s’agissait pas alors d’une consécration, mais plutôt d’une indication du désir de la ville de se développer dans cette discipline. Depuis, la ville a donc déployé de nombreux efforts pour permettre à de jeunes designers de se distinguer et d’obtenir un premier contrat public. Cette première commande devient dans plusieurs cas une carte de visite importante pour le développement d’une carrière internationale en design.
La discussion avec le public a pour sa part donné lieu à un certain nombre d’échanges au cours desquels quelques enjeux ont pu être développés. On note d’abord la question des disciplines ou des secteurs à privilégier. Peut-on à la fois être une ville de design, de danse, de mode, d’arts visuels, etc. ? Si plusieurs intervenants ont évoqué le caractère de plus en plus interdisciplinaire des pratiques artistiques, il peut s’avérer plus difficile de développer un positionnement international fort autour d’une telle notion qui demeure plus abstraite. Ce modèle reste à inventer et certains intervenants proposaient par exemple d’imaginer Montréal comme « ville d’intensité » ou « ville de diversité ». Certains participants ont par ailleurs noté qu’il avait été beaucoup question des villes dans cette discussion, ce qui peut laisser croire que celles-ci prennent de plus en plus de place dans la géographie mondiale de l’art et de la culture au détriment des nations. Or, un participant a aussi noté que ce qui fait le caractère exceptionnel de certaines villes c’est d’abord les créateurs qui y habitent et qui choisissent d’y travailler. Pourtant, il semble que Montréal a parfois de la difficulté à retenir certains créateurs, particulièrement ceux qui se démarquent sur la scène internationale. Ainsi, la compétition est de plus en plus vive entre les métropoles du monde pour attirer et retenir les créateurs remarquables, si bien que la question des relations culturelles internationales s’articule de plus en plus en termes de « branding » plutôt que par rapport aux questions d’identité culturelle et artistique. Éventuellement, il serait intéressant de retracer le parcours au cours duquel l’image internationale de Montréal s’est peut-être tranquillement modifiée, passant de grande capitale de la culture francophone en Amérique à celle de ville créative qui rivalise avec ses consœurs situées partout autour du globe.
Panélistes invitées
- Cynthia Cooper, chef des collections et de la recherche et conservatrice des costumes et des textiles, Musée McCord
- Chantal Pontbriand, commissaire et critique d’art contemporain, fondatrice-directrice de Pontbriand W.O.R.K.S
- Stéphanie Jecrois, conseillère en relations internationales, Ville de Montréal
Organisation et animation :
Guillaume Sirois, chercheur postdoctoral, École de communications sociales, Université Saint Paul