Les arts de la scène et ses publics : à la hausse ou à la baisse?
La conférence midi « Les arts de la scène et ses publics : à la hausse ou à la baisse » s’est tenue le mercredi 31 janvier 2018 au centre Urbanisation Culture Société de l’INRS à Montréal, avec visioconférence au centre de l’INRS à Québec. Le podcast de cet événement est disponible pour écoute à partir de ce lien.
Cette table ronde a abordé la question de l’évolution des publics des arts de la scène au Québec, dans un contexte marqué par une relative stagnation des entrées en salle mais aussi par un ensemble de nouveaux phénomènes, comme la multiplication des festivals gratuits et payants, l’engouement pour certaines disciplines (danse, humour), l’usage de la technologie numérique et les pratiques spectatorielles participatives. La conférence a débuté par la présentation de trois perspectives différentes sur le sujet, éclairant chacune un aspect de la dynamique actuelle.
David Laferrière a témoigné de son expérience comme diffuseur pluridisciplinaire en région à Saint-Jérôme. Directeur général et artistique de Diffusion En Scène, M. Laferrière a récemment procédé à l’inauguration d’une nouvelle salle de spectacles de 850 places à Saint-Jérôme, le Théâtre Gilles-Vigneault, signe que la diffusion est en hausse dans certaines régions. Or, M. Laferrière indique que les publics sont de plus en plus exigeants. Du côté des diffuseurs, ceux-ci ont développé des visions artistiques fortes. Par contre, selon lui, il y aura bientôt un point de rupture dans la capacité à faire évoluer en nombre les spectateurs. Il voit à cet égard dans l’accompagnement du public et la prise de risque artistique la voie à suivre pour faire augmenter le public. M. Laferrière souligne aussi toute l’importance des liens entre culture et éducation qui doivent être renforcés, toujours dans le but d’une augmentation du public.
http://theatregillesvigneault.com
Pour sa part, Paule Beaudry, directrice générale de La Danse sur les routes, a expliqué que le public de la danse est en soi un public difficile à rejoindre. Dirigeant un organisme de promotion de la diffusion de la danse contemporaine, elle remarque par ailleurs que de nombreuses représentations gratuites en danse n’apparaissent pas dans les statistiques de fréquentation des arts de la scène. Elle précise que développer la danse au Québec nécessite un soutien réel. Mme Beaudry identifie en ce sens un lien direct entre les efforts de développement du public de la danse et la hausse de fréquentation en salle. Elle expose certaines conditions pour développer le public de la danse, notamment une variété de spectacles de qualité et une connaissance du milieu de la danse par les diffuseurs. Enfin, elle soulève la question de la gratuité possible de certains spectacles : serait-ce une avenue pour développer le public de la danse ?
https://www.ladansesurlesroutes.com
Quant à Véronique Hudon, doctorante et critique en arts vivants à l’UQAM, elle a exposé sa vision de l’évolution de la programmation liée à l’émergence du nouveau métier de « commissaire des arts de la scène ». Mme Hudon explique que le commissariat des arts vivants, inspiré du commissariat indépendant en arts visuels, vise à établir une médiation plus forte des œuvres, en étroite adéquation avec le sens de ces œuvres. Alors qu’au Québec, les directeurs artistiques s’occupent de la programmation, le commissaire agirait comme intermédiaire entre le public et l’œuvre. Le commissaire, précise-t-elle, permettrait un passage de la logistique de la programmation au concept de programmation lui-même. En somme, pour Mme Hudon, le commissariat des arts vivants propose de repenser l’accompagnement de l’œuvre et sa circulation jusqu’au spectateur en suscitant son intelligence, devenant un acteur important de la reconfiguration actuelle du champ artistique.
À la suite des présentations s’est tenue une période d’échanges entre les participants et les présentateurs. Plusieurs échanges ont porté sur la notion de risque artistique, lequel peut être favorisé notamment par des expériences de diffusion gratuite comme moyen de développement de public. De même, selon un autre participant, le rayonnement des formes artistiques émergentes doit être mieux supporté. Par contre, les contraintes financières limitent cette prise de risque artistique. Il y a là une réalité centrale des diffuseurs. Toutefois, comme le signale un participant, la prise de risque est plus aisément permise lorsqu’une forte relation a pu se développer entre le programmateur et son public.
Les échanges ont aussi porté sur le public actuel des arts de la scène tel que cerné par les enquêtes sur les pratiques culturelles au Québec. Un participant a rappelé l’importance de la « culture de la sortie », à la source de la fréquentation des arts de la scène. Or, le bassin de ce type de « spectateurs payant en salle » à Montréal et à Québec ne compte que pour seulement 15 % de la population.
Les participants sont aussi revenus sur la notion de commissariat des arts vivants. D’un côté, certains soulignent l’importance de développer le public « au niveau du sens », d’un autre côté, d’autres rappellent que des ressources sont nécessaires pour établir un tel commissariat des arts de la scène. Il faudrait donc subventionner le commissariat.
Cette conférence midi a été l’occasion de témoigner de toute la complexité de la question des publics des arts de la scène en 2018.
Organisation et animation par Martin Tétu, chargé de cours en sociologie de la culture et doctorant à l’UQAM – tetu.martin@uqam.ca.